Prague – Pour une grande partie de la jeune génération et de la classe moyenne en République tchèque, le rêve d’être propriétaire est devenu un cauchemar. Les prix de l’immobilier, poussés par une combinaison de construction lente, de demande spéculative et de taux d’intérêt bas au cours de la dernière décennie, ont atteint un niveau qui exclut de fait les familles travailleuses du marché. Les experts s’accordent à dire que les mesures partielles et non systémiques échouent. Une stratégie complète, audacieuse et surtout à long terme est nécessaire. Une analyse des solutions possibles met en évidence une approche à trois piliers qui pourrait inverser la situation.
La crise du logement n’est pas une catastrophe naturelle ; elle est le résultat de décennies de politiques négligées et d’un manque de vision. Toute tentative de solution qui ne se concentre que sur une seule cause est vouée à l’échec. La réduction de la TVA sur les logements sans augmenter l’offre ne fera qu’augmenter les marges des promoteurs. Le soutien public aux prêts hypothécaires sans réguler la spéculation ne fera que gonfler la bulle des prix. Une solution efficace doit reposer sur trois piliers solides et interconnectés : une accélération radicale de la construction, la maîtrise du marché spéculatif et la création d’un solide secteur de logement locatif abordable.
Pilier I : Libérer les constructeurs et les municipalités
La loi économique de base est que la surabondance de la demande par rapport à l’offre augmente les prix. En République tchèque, la construction est désespérément lente. Le problème n’est pas l’argent ou le manque d’entreprises, mais une bureaucratie paralysante et des plans d’aménagement du territoire dépassés.
- Réforme de la loi sur la construction : La clé est la véritable numérisation et la simplification des procédures de construction. L’objectif doit être un système de „tampon unique“ et des délais fixes et courts. Le principe de la „fiction d’approbation“, selon lequel une autorité qui ne répond pas dans le délai légal est réputée avoir donné son accord, devrait être mis en œuvre sans compromis. Un permis pour un immeuble d’habitation standard ne devrait pas prendre plus d’un an, au lieu de cinq à dix ans comme c’est le cas aujourd’hui.
- Rôle actif de l’État et des municipalités dans la politique foncière : L’État et les municipalités possèdent une immense quantité de terrains et de friches industrielles inutilisés. Au lieu de les vendre au plus offrant, un Fonds foncier d’État pour le logement devrait être créé. Il ne vendrait pas les terrains, mais les louerait à long terme (par exemple pour 99 ans) aux municipalités, aux coopératives de construction ou aux promoteurs privés, sous des conditions claires : une partie des logements construits doit entrer dans la catégorie du logement abordable (que ce soit en propriété ou en location) à un prix réglementé.
- Incitation pour les municipalités : Le système actuel incite souvent les municipalités à bloquer les nouvelles constructions, car elles entraînent une charge sur les infrastructures (écoles, jardins d’enfants, routes) sans apporter un revenu adéquat à la commune. Il est nécessaire de réformer le régime de l’impôt pour que les municipalités ayant une politique de logement active obtiennent beaucoup plus de fonds pour construire les équipements civiques nécessaires. L’État devrait également offrir des subventions directes pour les infrastructures des projets qui densifient le développement et utilisent efficacement le territoire.
Pilier II : Refroidir la fièvre des investisseurs et soutenir le logement réel
Ces dernières années, le logement est devenu pour beaucoup un actif d’investissement plutôt qu’un foyer. Cela déforme le marché et désavantage ceux qui veulent acheter un logement pour eux-mêmes et leur famille.
- Réforme fiscale : Il faut envisager d’introduire une taxe foncière plus élevée et progressive sur le deuxième logement et les suivants qui ne servent pas à la location à long terme. En outre, un débat sur une taxe sur les logements inoccupés, qui ciblerait les appartements détenus à des fins purement spéculatives, est nécessaire. Une telle mesure, bien que complexe à gérer, pourrait remettre sur le marché des milliers d’appartements qui sont actuellement vides.
- Réglementation des locations de courte durée : Des plateformes comme Airbnb ont transformé les centres-villes en zones hôtelières et ont retiré des milliers de logements du marché de la location à long terme. Il est essentiel de donner aux municipalités des outils plus solides pour réglementer ces services, par exemple en limitant le nombre de jours par an où un appartement peut être loué à court terme, ou en désignant des zones où cette activité n’est autorisée qu’avec une licence professionnelle.
- Soutien pour le premier logement : Au lieu d’aides générales, il faut cibler. Des prêts à faible taux d’intérêt garantis par l’État pour les jeunes familles afin qu’elles acquièrent leur premier logement peuvent être un outil efficace. Cependant, la condition doit être qu’elles habitent réellement la propriété pendant une période déterminée (par exemple, 15 ans). Cela garantira que le soutien aide les familles et non les spéculateurs.
Pilier III : Créer un solide secteur de logement locatif abordable
Se fier uniquement à la propriété est une erreur. Un marché du logement sain a besoin d’un secteur de la location solide et stable, qui n’est pas à la merci des fluctuations du marché. Vienne, où près de la moitié des habitants vivent dans des appartements municipaux ou coopératifs à loyer réglementé, peut servir d’inspiration.
- Fonds national de développement et construction municipale : L’État devrait, par l’intermédiaire d’un fonds nouvellement créé, accorder aux municipalités et aux coopératives de construction des prêts à long terme sans intérêt ou à faible intérêt pour la construction de logements locatifs. L’objectif n’est pas de concurrencer le secteur privé, mais de créer un système de logement parallèle où le loyer couvre les coûts de construction et d’entretien, et non de générer un profit maximal.
- Sécurité et stabilité : Ces logements offriraient des contrats de location à durée indéterminée, ce qui donnerait aux locataires une sécurité et les inciterait à prendre soin de leur environnement. Ce secteur fonctionnerait comme un élément de stabilisation de l’ensemble du marché. S’il existait une alternative abordable et de qualité, les propriétaires privés seraient sous pression pour maintenir des prix et une qualité raisonnables.
Conclusion : La synergie, clé du succès
Aucun de ces piliers ne peut fonctionner seul. Accélérer la construction sans réguler la spéculation ne ferait que créer plus de logements pour les investisseurs. Soutenir les prêts hypothécaires sans augmenter l’offre ne ferait qu’augmenter davantage les prix. Et la construction de logements locatifs sans accélérer les autorisations serait trop lente.
L’efficacité de ce plan réside dans leur interconnexion. C’est un marathon qui exige du courage politique pour surmonter les intérêts des groupes de pression et de la persévérance au-delà d’un seul mandat électoral. Le résultat ne serait pas seulement des chiffres plus abordables dans les annonces immobilières, mais une société plus saine et plus juste, où avoir un toit n’est pas un luxe, mais une base accessible pour une vie épanouie.