Pondělí, 6. října 2025

Les enfants d’aujourd’hui sont-ils vraiment plus bêtes que ceux d’il y a cent ans ? Les scientifiques et les psychologues ont une réponse surprenante.

Facebook
Twitter
LinkedIn

L’intelligence en mutation : la jeunesse d’aujourd’hui est-elle moins intelligente que celle d’hier ?

C’est un soupir que nous entendons à presque chaque coin de rue. Des enseignants dans les salles des professeurs, des grands-parents lors des repas du dimanche, des parents frustrés. « Les enfants d’aujourd’hui ne supportent rien. » « Ils ne savent même pas faire leurs lacets, mais ils glissent leurs doigts sur une tablette comme des maîtres. » « Demandez-leur la capitale de l’Australie et ils sortent leur téléphone. » Tous ces lamentations débouchent sur une seule question troublante : les enfants d’aujourd’hui sont-ils vraiment plus bêtes que les générations de nos arrière-grands-parents ?

L’image de l’enfant de 1924 est souvent romancée. On le voit comme un individu résistant, qui aidait aux champs dès son plus jeune âge, qui savait enfoncer un clou, réparer sa chaussure et réciter par cœur des poèmes et les tables de multiplication. Son monde était tangible, pratique et exigeait des compétences manuelles concrètes. En face, se dresse l’image de l’enfant de 2024 : la tête penchée sur un écran lumineux, l’attention dispersée entre des dizaines d’applications et un accès à une quantité infinie d’informations qu’il n’a pas besoin de mémoriser.

Il semblerait que la réponse soit évidente. Mais les données scientifiques et une analyse plus approfondie des psychologues montrent que la réalité est bien plus complexe et, pour beaucoup, surprenante.


 

Le paradoxe appelé effet Flynn

 

La première et la plus grande claque à la théorie de la « jeunesse qui s’abrutit » est le soi-disant effet Flynn. Ce phénomène, nommé d’après le politologue néo-zélandais James Flynn, décrit l’augmentation à long terme et constante des scores aux tests d’intelligence (QI) tout au long du 20e siècle. En moyenne, chaque nouvelle génération a obtenu de meilleurs résultats aux tests de QI de plusieurs points que la précédente. Un enfant avec un QI moyen de 100 en 2024 obtiendrait très probablement un résultat supérieur à la moyenne, voire génial, aux tests de 1924.

Comment est-ce possible ? La réponse réside dans ce que les tests de QI mesurent réellement. Ils se concentrent principalement sur l‘intelligence fluide – la capacité à raisonner logiquement, à résoudre de nouveaux problèmes, à trouver des modèles et à penser de manière abstraite. Et c’est précisément dans ce domaine que le monde moderne est devenu un immense terrain d’entraînement pour nos cerveaux. Nous sommes constamment exposés à des symboles complexes, des diagrammes, des interfaces utilisateur et des règles abstraites, que ce soit dans les jeux vidéo, en travaillant sur un ordinateur ou simplement en configurant une télévision intelligente. Le cerveau de l’enfant s’adapte à ce monde et développe précisément les capacités qui sont essentielles pour s’y orienter.

 

Un échange de compétences

 

Le problème n’est donc pas que les enfants d’aujourd’hui sont moins intelligents, mais que leur intelligence a une structure complètement différente. On peut parler d’un grand « échange de compétences » qui a eu lieu au cours du siècle dernier.

  • Ce que nous avons perdu (ou plutôt externalisé) : Les enfants d’aujourd’hui n’ont pas besoin de mémoriser autant de faits, de données et de procédures. L‘intelligence cristallisée – c’est-à-dire l’ensemble des connaissances et des faits appris – a perdu de son importance, car nous l’avons constamment dans notre poche sous la forme d’un smartphone. Pourquoi se souvenir des dates historiques quand on peut les googler en trois secondes ? Pourquoi apprendre des calculs complexes par cœur quand on a une calculatrice ?
  • Ce que nous avons gagné : Au détriment de la mémoire et des compétences de routine, la capacité à faire plusieurs choses à la fois, à filtrer rapidement les informations et à résoudre des problèmes abstraits s’est développée. Un enfant qui peut construire un monde complexe dans Minecraft ou optimiser une stratégie dans un jeu en ligne fait preuve d’une énorme capacité de pensée systémique et logique qui aurait été totalement étrangère à son arrière-arrière-grand-père.
  • Le déclin de l’intelligence pratique : Là où la génération de nos ancêtres a clairement pris le dessus, c’est dans l‘intelligence pratique. Il y a cent ans, un enfant était obligé de comprendre les principes mécaniques, de travailler avec des outils et de résoudre des problèmes tangibles du monde réel. Les enfants d’aujourd’hui vivent dans un environnement où les choses sont plus souvent remplacées que réparées, et la dextérité manuelle est devenue un passe-temps, pas une nécessité de survie.

 

Le prix du cerveau numérique

 

Cependant, l’adaptation au monde numérique a aussi un prix qui ne peut être ignoré. Les psychologues et les éducateurs mettent en garde surtout contre la réduction de la capacité de concentration. L’afflux constant de stimuli rapides et courts provenant d’applications comme TikTok entraîne le cerveau à la satisfaction instantanée et réduit sa capacité à se plonger profondément dans une tâche complexe, comme la lecture d’un long livre ou la résolution d’un problème mathématique complexe.

Une autre victime pourrait être l‘intelligence sociale et émotionnelle. La communication à travers un écran, avec ses simplifications et l’absence de signaux non verbaux, ne peut pas entièrement remplacer la complexité et les nuances du contact interpersonnel en face à face.

 

Ils ne sont pas plus bêtes, ils sont différents

 

La réponse à la question initiale n’est donc pas un simple oui ou non. Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas plus bêtes. Leurs cerveaux sont simplement « câblés » différemment, adaptés à un monde qui est radicalement différent de celui d’il y a cent ans. Nous avons échangé la mémoire encyclopédique contre la capacité de recherche rapide, la dextérité manuelle contre la littératie numérique et peut-être même la concentration profonde contre la capacité de passer d’une tâche à l’autre.

Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? C’est une mauvaise question. C’est simplement l’évolution. Au lieu de nous plaindre qu’ils ne peuvent pas faire ce que nous pouvions faire, nous devrions nous demander comment les doter au mieux des compétences dont ils auront réellement besoin. Ils ne sont pas plus bêtes. Ils sont juste différents. Et notre tâche est de les préparer à un monde que nous-mêmes pouvons à peine prédire.