RIYAD/VIENNE – Lors d’une récente visioconférence, le prince saoudien Abdulaziz bin Salman a convaincu ses homologues du groupe OPEP+ (Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés) d’approuver une nouvelle augmentation des livraisons de pétrole sur le marché. Selon des informations provenant de sources proches des négociations, le groupe a convenu de libérer 411 000 barils supplémentaires par jour en juin, dans la continuité d’une décision similaire prise en avril.
Pour défendre cette mesure, le prince Abdulaziz aurait paradoxalement évoqué l’embargo pétrolier de 1973 comme preuve de la résilience historique et de la nécessité de l’unité du cartel. Cependant, le véritable motif semble être un changement de stratégie à long terme. Après avoir passé la majeure partie de la dernière décennie à limiter la production afin de soutenir les prix élevés, l’OPEP+ montre désormais que l’Arabie saoudite est disposée à baisser les prix. Les analystes y voient une tentative de punir les membres, en particulier l’Irak et le Kazakhstan, qui dépassent régulièrement leurs limites de production convenues.
Ce revirement devrait accentuer la baisse des prix du pétrole, qui sont déjà tombés sous la barre des 60 dollars le baril, leur plus bas niveau depuis quatre ans, après une précédente augmentation de l’offre. Cette décision augmente le risque d’une guerre des prix au sein du cartel et pourrait peser sur les budgets nationaux des producteurs, y compris celui de l’Arabie saoudite elle-même.
La décision de Riyad peut toutefois avoir une dimension géopolitique. Elle peut être perçue comme un geste de bonne volonté envers le président américain Donald Trump, critique de longue date de l’OPEP, qui a appelé à plusieurs reprises à une baisse des prix du pétrole et qui avait prévu de se rendre dans la région à cette époque. Cela contraste fortement avec l’embargo des années 70, qui visait à punir l’Occident.
Certains membres s’y opposent. Lors d’une visioconférence, les représentants de l’Irak et du Kazakhstan ont tenté de justifier le non-respect des quotas. Le Kazakhstan fait valoir qu’il a une influence limitée sur la production dans les projets exploités par des sociétés étrangères, comme Chevron dans le projet Tengiz, et que les revenus pétroliers sont essentiels pour la population.
La Russie, qui copréside le groupe OPEP+, a averti qu’avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, elle disposait d’une importante capacité de production inutilisée et a appelé les autres à faire preuve de discipline.
Selon des analystes tels que Bob McNally de Rapidan Energy Advisers, ce n’est pas la première tentative de l’Arabie saoudite pour « imposer la discipline ». Jorge Leon, de Rystad Energy, ajoute qu’outre la sanction des membres indisciplinés, Riyad pourrait chercher à regagner des parts de marché perdues au profit de producteurs non membres de l’OPEP (par exemple les États-Unis) et à répondre à la pression de Washington, avec lequel le royaume cherche à renforcer ses liens en matière de sécurité, notamment dans le contexte des négociations entre les États-Unis et l’Iran.