Des dizaines de milliers d’enfants roms en République tchèque sont toujours confrontés à une ségrégation structurelle dans l’éducation. Bien que l’État prenne certaines mesures, les écoles ségréguées continuent d’exister dans presque toutes les régions. Dans beaucoup d’entre elles, les enfants roms constituent la majorité des élèves, selon les enquêtes menées par la société PAQ research. Cette situation n’est pas seulement un échec éducatif, mais aussi un problème fondamental pour la cohésion sociale et l’avenir économique des régions.
Selon les estimations du ministère de l’Éducation, plus de 36 000 enfants roms fréquentent les écoles primaires en République tchèque. Environ un tiers d’entre eux, soit jusqu’à 12 000, fréquentent des écoles où les Roms représentent plus d’un tiers des élèves. Plus de 130 écoles à travers le pays présentent ainsi des signes de ségrégation, dont 78 où les enfants roms constituent même la majorité. Cette situation n’a pas fondamentalement changé au cours des dix dernières années, malgré les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont déjà condamné la République tchèque pour discrimination.
Les écoles ségréguées se trouvent souvent dans des régions où le taux de pauvreté et d’exclusion sociale est élevé, notamment dans les régions d’Ústí et de Moravsko-Slezsko. Cependant, ce problème ne touche pas exclusivement le nord de la République tchèque ou les régions industrielles. On observe également des manifestations importantes de ségrégation dans les régions de Středočeský, Liberecký et Zlínský, et même à Prague. Les écoles accueillant une forte proportion d’enfants roms sont soit des écoles primaires ordinaires, soit d’anciennes écoles spécialisées, aujourd’hui désignées comme des écoles au titre de l’article 16/9 de la loi sur l’éducation. Elles se concentrent sur les élèves ayant des « résultats adaptés » et des exigences éducatives moins élevées, ce qui ne correspond souvent pas aux besoins réels de l’enfant, mais plutôt à des préjugés sociaux.
La responsabilité incombe aux communes
Les communes et les régions, en tant que fondateurs des écoles, jouent un rôle clé dans la résolution de ce problème. Elles ont le pouvoir de définir les zones de recrutement, d’évaluer les directeurs d’école et de garantir les capacités. Elles décident ainsi de facto de la composition des collectifs scolaires. Leur responsabilité dépasse toutefois la configuration technique du système. Si elles veulent réellement promouvoir la déségrégation, elles doivent travailler activement à la qualité de l’enseignement, au soutien des enfants défavorisés en dehors de l’école et à la coopération avec les services sociaux. Il est avant tout nécessaire d’assurer une répartition plus équilibrée des enfants entre les différentes écoles.
Mais il est également vrai que les collectivités locales ne peuvent pas résoudre ce problème seules. Elles ont besoin du soutien systémique de l’État. Bien que les institutions centrales aient entamé ces dernières années une coopération directe avec certaines communes, il ne s’agit pour l’instant que de mesures partielles. Sans un renforcement des capacités du ministère de l’Éducation et de l’Inspection scolaire tchèque, sans un financement stable provenant de sources nationales et européennes et sans une modification de la formation des enseignants, les efforts en faveur du changement resteront purement symboliques.
L’importance d’une éducation de qualité et inclusive dépasse largement les histoires personnelles des individus. Les données montrent à maintes reprises qu’un niveau d’éducation plus élevé améliore le niveau de vie et l’autonomie économique. Les enfants qui terminent leurs études secondaires ont plus de chances de trouver un emploi, sont moins exposés à la criminalité et sont en meilleure santé. Dans le cas des enfants roms, garantir une éducation de qualité peut en outre réduire les tensions sociales et empêcher la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre.
Les avantages économiques ne sont pas négligeables. Un niveau d’éducation plus élevé des groupes exclus rapporte à l’État et aux communes des dizaines, voire des centaines de millions de couronnes par an, que ce soit sous forme de recettes fiscales plus élevées ou de dépenses sociales moins importantes. À l’inverse, ignorer le problème de la ségrégation entraîne des pertes à long terme, non seulement financières, mais aussi sociales.
De plus, les rapports de terrain confirment que la ségrégation n’est pas seulement une question de chiffres. Pour de nombreux enfants, l’étiquette « école spéciale » signifie une restriction qui les accompagne toute leur vie. Dans un environnement où la majorité des élèves appartiennent à un groupe marginalisé, la motivation, les enseignants de qualité et l’ambition font défaut. Bien qu’une partie des parents de ces écoles y cherchent une protection contre la discrimination dans les écoles ordinaires, le résultat n’est souvent qu’un cercle vicieux de faibles attentes. Sans un véritable changement systémique, l’inclusion restera un mot vide de sens et des dizaines de milliers d’enfants continueront à grandir dans un environnement qui leur fixe d’emblée des objectifs moins élevés.