L’accord conclu en Écosse entre les États-Unis et l’Europe est, à première vue, une simple nouvelle concernant les droits de douane et le commerce international. Cependant, en y regardant de plus près, une toute nouvelle réalité de la politique mondiale se dessine, avec des conséquences fondamentales et probablement douloureuses pour les économies axées sur l’exportation, comme l’économie tchèque. Ce nouveau modèle, appelé „diplomatie commerciale“, change les règles du jeu. Et nous n’y sommes pas préparés.
L’accord ne porte pas sur la réduction des droits de douane. Il s’agit de leur „rachat“ par des engagements d’investissement massifs. L’Europe s’est engagée à dépenser 1,4 trillion de dollars en Amérique pour éviter des tarifs douaniers écrasants. Il ne s’agit pas d’un partenariat entre égaux, mais d’une relation de vassalité où l’Europe paie l’Amérique pour avoir accès à son marché et pour sa sécurité énergétique. Ce n’est pas une fluctuation temporaire, mais une nouvelle doctrine de la domination économique américaine.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour la République tchèque ?
- Nous faisons partie d’une Europe „payeuse“, mais sans bénéfices directs
La République tchèque est une partie intégrante de l’Union européenne, et donc une partie de ce gigantesque accord qu’elle s’est engagée à payer. Nos entreprises, notre gouvernement, nous tous contribuerons à la réalisation de ces engagements, que ce soit directement ou indirectement par le biais de mécanismes paneuropéens et des prix de l’énergie. Le problème est que les principaux bénéfices de cet accord iront d’abord aux grands acteurs. Les exemptions de droits de douane pour les avions, les semi-conducteurs ou les produits chimiques clés profiteront avant tout à l’Allemagne et à la France. L’industrie tchèque, axée sur les composants automobiles, la construction mécanique et d’autres sous-traitances, pourrait rester en marge de ces avantages. Nous paierons, mais d’autres récolteront les fruits.
- Pression accrue sur notre modèle d’exportation
Jusqu’à présent, nous avons bénéficié du libre-échange et de l’accès aux marchés mondiaux. Ce nouveau modèle, cependant, introduit le principe du „paye et joue“. Les pays qui ne peuvent pas se permettre des promesses d’investissement massives feront face à des droits de douane plus élevés et à un accès plus difficile au marché américain. La République tchèque, avec son budget et son potentiel d’investissement limités, ne peut pas rivaliser avec le Japon ou les grandes économies européennes en „surenchérissant“ pour des droits de douane plus bas. Nos exportations vers les États-Unis, bien que non dominantes, pourraient être affectées. Pire encore, ce modèle pourrait devenir une norme mondiale. Et si la Chine ou d’autres grandes puissances commençaient à appliquer une logique similaire ? Notre modèle basé sur la qualité et le prix compétitif ne serait plus suffisant.
- La dépendance énergétique ne fait que se déplacer
L’accord garantit à l’Europe l’approvisionnement en énergie américaine. Cela pourrait être perçu comme une étape positive vers la diversification par rapport aux sources russes, mais en réalité, ce n’est qu’un échange d’une dépendance contre une autre. L’Europe (et avec elle, nous) paiera un prix élevé pour le gaz et le pétrole américains, finançant ainsi l’indépendance énergétique et l’industrie américaines. Cela se répercutera sur les prix de l’énergie pour nos entreprises et nos ménages. Nous serons certes „en sécurité“ sur le plan énergétique, mais à un coût qui pourrait réduire notre compétitivité.
- Affaiblissement de l’Union européenne et de notre position en son sein
Cet accord montre que l’Europe n’est capable d’agir de manière unie que sous une pression extrême et au prix d’énormes concessions. Cependant, en interne, ce modèle créera des tensions. Les grands États qui profitent le plus des exceptions auront une vision différente de celle des économies plus petites et axées sur l’exportation comme la nôtre. Cela pourrait conduire à une nouvelle fragmentation de l’UE, où les États les plus forts négocieront des avantages bilatéraux au détriment des plus faibles. Notre position pourrait s’affaiblir, car nous n’aurons pas assez de „munitions“ (des milliards d’investissements) pour négocier.
L’heure du réveil
L’époque où nous pouvions compter sur les règles du libre-échange et des conditions équitables est révolue. Nous entrons dans une ère où la puissance économique et la capacité d’investissement sont les principaux instruments de la politique étrangère. Pour la République tchèque, cela signifie qu’il est impératif de repenser sa stratégie. Nous devons nous concentrer sur des secteurs à forte valeur ajoutée qui peuvent bénéficier des exemptions stratégiques. Nous devons devenir une partie indispensable des chaînes d’approvisionnement européennes dans les secteurs les plus importants. Et surtout, nous devons, au sein de l’UE, nous battre pour que les fardeaux et les bénéfices de ces nouveaux accords soient répartis équitablement.
Ignorer ce changement serait naïf. L’Amérique vient de montrer au monde à quoi ressemblera son empire économique au XXIe siècle. La question est de savoir quel rôle nous y jouerons. Serons-nous de simples contributeurs passifs, ou serons-nous capables de nous adapter et de trouver notre place dans ce nouveau jeu, plus difficile ?