Pondělí, 6. října 2025

Les ombres du passé sur la gauche tchèque : La reprise en main par les communistes est-elle imminente ou s’agit-il simplement de la fin d’une époque ?

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PRAHA – La coopération de la présidente du Parti social-démocrate (Sociální demokracie), Jana Maláčová, avec la coalition Stačilo!, dirigée par les communistes, ravive le souvenir du destin tragique du ČSSD de la Première République et soulève la question de savoir si l’histoire peut se répéter. Alors qu’une absorption violente du parti comme en 1948 est aujourd’hui exclue, la lutte pour la domination de la gauche tchèque bat son plein. Et le Parti social-démocrate traditionnel est en train de la perdre.

 

Le risque d’influence russe et les ombres du passé

 

Tout ce processus ne peut être perçu de manière isolée du contexte géopolitique plus large. Les experts en sécurité et les services de renseignement, y compris le BIS tchèque, mettent en garde depuis longtemps contre les tentatives sophistiquées de la Russie d’infiltrer et de subvertir les structures politiques dans les pays occidentaux. L’objectif de cette guerre hybride est d’affaiblir la cohésion interne des États, de saper la confiance dans les institutions démocratiques et d’affaiblir des organisations comme l’UE et l’OTAN. Dans cette optique, des spéculations et des questions se posent inévitablement sur la profondeur de l’influence russe sur la scène politique tchèque. Bien qu’il n’existe aucune preuve publique, il est légitime de se demander si des politiciens comme Jana Maláčová ou l’ancien influent Lubomír Zaorálek pourraient être la cible, voire l’instrument, d’une telle influence. Historiquement, la coopération aurait pu s’établir de diverses manières – de l’affinité idéologique aux liens d’affaires des années 90, en passant par la pression classique des services de renseignement. La Russie est passée maître dans l’art d’obtenir et d’utiliser des „kompromat“ – des documents compromettants (financiers, personnels) – pour tenir des personnes ciblées en échec, manipuler leurs décisions et les amener progressivement à promouvoir les intérêts du Kremlin, souvent sans même qu’elles aient pleinement conscience de servir une puissance étrangère.

 

L’histoire ne se répète pas, mais ses échos oui

 

La comparaison avec 1948, où la social-démocratie a été violemment fusionnée avec le Parti communiste (KSČ) et de facto liquidée après le coup d’État communiste, est historiquement inexacte. Les événements de l’époque se sont déroulés dans un climat de peur, de persécutions et sous la supervision de l’Union soviétique. La République tchèque est aujourd’hui un membre solide de l’UE et de l’OTAN, et un scénario de coup d’État similaire est impensable.

La menace pour le SOCDEM est aujourd’hui différente, plus insidieuse. Il ne s’agit pas d’une absorption violente, mais d’une survie politique face à un concurrent plus agile et plus attrayant pour une partie de l’électorat contestataire. La présidente du KSČM, Kateřina Konečná, a réussi avec le projet Stačilo! à créer une plateforme qui intègre avec succès les électeurs insatisfaits des camps de la gauche et des „patriotes“. L’obtention de deux mandats aux élections européennes a montré que sa stratégie fonctionne.

 

La lutte pour l’âme de l’électeur de gauche

 

Alors que le Parti social-démocrate est en proie à des conflits internes et cherche son identité, les communistes, sous un nouveau label marketing, reprennent ses thèmes traditionnels et ses électeurs. Ils offrent des solutions simples et radicales et une forte critique du gouvernement, de l’Union européenne et de l’OTAN, ce qui trouve un écho auprès d’une partie de la société déçue par les développements actuels.

Si le SOCDEM ne parvient pas à inverser cette tendance, il se pourrait que les communistes, ou la coalition qu’ils dirigent, prennent réellement le contrôle de la gauche tchèque. Cependant, cela ne sera pas le résultat d’une pression comme par le passé, mais la conséquence de la propre faiblesse et de l’incapacité du Parti social-démocrate à offrir à ses électeurs une vision claire et attrayante.

Pour la gauche tchèque, cela pourrait signifier un changement fondamental, s’éloignant des valeurs pro-européennes et démocratiques au profit du nationalisme et du populisme anti-système. L’histoire ne se répète certes pas littéralement, mais son avertissement reste d’actualité : un parti qui perd son identité et son unité interne risque d’être absorbé par un rival plus fort et plus déterminé.