La panne de courant massive de juillet, qui a touché une grande partie de la République tchèque, se transforme en un conflit ouvert entre les acteurs clés du secteur de l’énergie et prend une dimension politique. Le PDG de la société ČEZ, Daniel Beneš, a officiellement demandé à l’Autorité de régulation de l’énergie (ERÚ) d’enquêter sur l’incident et a accusé l’opérateur public du réseau de transport, la société ČEPS, d’un échec fatal.
Selon les informations disponibles, le blackout n’était pas le fruit du hasard, mais la confluence de plusieurs erreurs graves. La crise a été déclenchée par la chute d’une ligne de transport clé (V411), qui a coïncidé avec des déversements massifs et mal estimés d’électricité provenant des centrales solaires allemandes. Selon Daniel Beneš, la société ČEPS, qui est responsable de la stabilité du réseau, n’a pas été capable de gérer la situation.
Dans sa lettre, adressée notamment au Premier ministre Petr Fiala et aux ministres clés, Beneš formule onze questions concrètes. Elles portent sur des investissements négligés depuis longtemps, une gestion de crise inadéquate et le comportement des répartiteurs. Il souligne, par exemple, qu’un des transformateurs clés à la frontière avec l’Allemagne est hors service depuis novembre dernier et demande pourquoi des sources de secours comme la centrale de Počerady n’ont pas été activées pour aider le réseau.
Les critiques viennent également des milieux politiques. Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Lukáš Vlček (STAN), sous la tutelle duquel se trouve ČEPS, a reconnu que le réseau de transport était sous-dimensionné. La modernisation de la ligne problématique V411 était certes prévue depuis 2016, mais l’appel d’offres n’a été lancé que cet été, bien trop tard pour éviter la catastrophe.
La société ČEPS a confirmé avoir reçu la lettre, mais a refusé de la commenter, arguant qu’elle n’était pas l’interlocuteur direct. Les politiciens de la coalition gouvernementale restent silencieux pour le moment, attendant les conclusions de l’enquête de l’ERÚ.
L’opposition profite rapidement de la situation. Le leader du mouvement ANO, Andrej Babiš, a déjà utilisé l’incident pour attaquer le gouvernement, qu’il accuse d’inaction et de protection insuffisante contre les risques liés aux sources d’énergie renouvelable dans l’Allemagne voisine. Étant donné que l’incident s’est produit à quelques mois seulement des élections d’octobre, la question de la responsabilité devient inévitablement un enjeu politique.
La panne de courant a ainsi brutalement révélé non seulement la fragilité technique du réseau de transport tchèque, mais aussi des problèmes systémiques plus profonds. Il ne s’agit pas seulement d’un fil tombé, mais d’une combinaison de défaillances techniques, humaines et organisationnelles qui se sont accumulées pendant des années. À l’heure où la dépendance à l’égard des sources renouvelables instables ne cesse de croître, il est clair que l’infrastructure énergétique tchèque n’est pas encore suffisamment préparée pour les défis du XXIe siècle.